Analyse de Geopolis hebdo.
“La politique”, disait un philosophe, “est la certitude la plus mystérieuse, elle est une activité qui se nourrit des rebondissements, même si elle se construit sur des planifications établies”. Le temps en politique est un ferment puissant, il produit des situations parfois à l’opposé de celles qui étaient à l’origine. Les derniers échanges épiques entre deux cadres de l’UNC ont dévoilé une situation qu’il convient d’extirper des zones de confusion et de lui donner la dimension qui lui revient dans la construction des faits structurants. Que deux cadres soient nourris par deux loyautés contraires est normal là où le leadership du parti est incarné par un homme aussi complexe que Vital Kamerhe. Certes on peut lui trouver des défauts comme à tout être humain, mais on ne peut nier le génie politique dont il est capable de faire preuve, même dans des situations aussi tragiques que celle dans laquelle il est aujourd’hui, dans un processus judiciaire sur lequel tout a été dit en bien comme en mal, à temps ou à contretemps.
Kamerhe est encore debout par une capacité d’influence et d’affluence rarement obtenue par des hommes politiques congolais. Il est toujours là, avec des hommes et femmes qui se reconnaissent en lui. Une opinion qui est prête à le voir revenir vers le sommet de l’action publique. Comment ne pas s’étonner que même le chef de l’Etat ne parvient pas à le conjuguer au passé même si les apparences peuvent le suggérer ? Il est venu le temps de faire une analyse et de se frotter aux faits persistants qui interrogent nos intelligences. Que voyons-nous ? Nous avons remarqué que malgré la condamnation, à l’issue d’un procès hyper médiatisé et des propos forts tenus à son encontre, aucun membre de son parti ne l’a désavoué publiquement. Malgré l’emprisonnement qui est un sort peu enviable, l’Union pour la Nation Congolaise est restée debout dans ses bottes comme parti important de la majorité au pouvoir. Les mouvements de conscience qui ne ratent aucune occasion se sont inquiétés du traitement assez particulier réservé aux demandes de liberté provisoire systématiquement rejetées.
Toujours à la tête de son parti, le « prisonnier le plus célèbre » est encore un politique redoutable qui sait aux confins de sa situation jouer le rôle d’un leader puissant par une sorte de plate-forme de décision capable de faire monter la puissance politique. Privé de liberté physique certes, Vital Kamerhe est parvenu à préserver sa liberté de pensée et d’actions politiques car il a su garder une ascendance morale, voire spirituelle sur des millions des congolais qui se reconnaissent en lui et en son combat. Devenu invisible aux yeux des combattants de son parti et de l’opinion en général, il est pourtant présent dans l’esprit de ceux-ci au travers de ceux qui parlent en son nom, revêtus de son onction. Résultat, l’UNC s’est requinquée et continue une sorte d’implantation dans l’ensemble du pays. L’histoire tragique de leur président est devenue une sorte de ciment qui soude les uns et les autres et qui leur indique le chemin du combat à mener. Présente au gouvernement par la présence de ses meilleurs cadres, présente dans l’opposition au travers de certains membres de sa base qui ne supportent pas la privation de liberté de leur leader, présente dans la société civile surtout à l’Est car Vital Kamerhe est déjà intégré comme leader naturel de l’Est. On peut comprendre que les mois et les années qui nous séparent des élections sont devenus un champ ou grandit un arbre nommé Vital Kamerhe, un arbre qui va produire de l’ombrage pour tout celui qui voudrait prendre racine sous le soleil électoral. Plusieurs hypothèses sont envisagées car sa parole portera, elle sera exigée par des millions des personnes qui n’ont pas cessé de se reconnaitre en lui, elle sera le carburant qui va alimenter les ambitions des cadres de l’UNC qui attendront les consignes du Mwalimu, elle sera un indicateur de la température politique autour de l’ambition présidentielle. Ceux qui sont au pouvoir et ceux qui sont dans l’opposition devront négocier avec lui, parce que malheureusement ou heureusement la prison ne lui a pas enlevé le pouvoir énorme d’influence.
L’Etat congolais qui compte en lui parmi ses meilleurs fils va se construire un chemin qui mène vers son intelligence phénoménale. Il est vrai que ces propos dictés par la force de l’analyse peuvent paraitre excessifs, mais n’oublions pas que nous parlons de Vital Kamerhe, l’un des meilleurs élus de la législature, ancien secrétaire général du PPRD, ancien président de l’Assemblée Nationale, deux fois candidats président de la République et Président de L’UNC et ancien directeur de cabinet du chef de l’Etat.
Il est évident que sa situation actuelle ne l’a pas décimé en termes de la force et du fonctionnement de la machine politique. Il n’est pas exagéré de faire quelques comparaisons pour comprendre que la prison n’est pas une limite pour un homme politique, même si les raisons évoquées portent une touche de discrédit. En 1964 quand il fut condamné d’abord à mort et ensuite à perpétuité Nelson Mandela l’avait été pour terrorisme et crime d’état, car l’ANC avait choisi de faire une opposition non violente au regard des brimades de l’Apartheid. Ce jour-là, et ceux qui ont suivi les médias ont estimé que des criminels avaient été mis hors d’Etat de nuire. Et pourtant ce fut le début d’une histoire exceptionnelle pour un destin exceptionnel. Celui qui était présenté comme un terroriste, est sorti plus tard, auréolé d’une image de héros et tous. Nous savons comment Nelson Mandela a fini sa vie sur cette terre. La vie d’un homme politique est un foyer où se rencontrent plusieurs faisceaux qui dégagent des rayonnements parfois ionisants pour ceux qui ne savent pas prendre le recul nécessaire.
Vital Kamerhe va jouer un rôle certain en 2023, car il sera attendu de lui non seulement des consignes pour ses partisans, mais aussi des alliances vont venir vers lui pour obtenir des clés d’accès aux coffres forts électoraux de l’Est. Il sera présent dans tous les Etats-majors politiques, certains pour examiner les voies et moyens de diminuer son influence, les autres pour augmenter celle-ci à leur profit et d’autres, pour attendre de lui des oracles. L’Etat congolais dans sa volonté de faire fonctionner sa démocratie et de donner aux acteurs clés le rôle de catalyseur de paix sera aussi obligé d’intégrer l’équation Vital Kamerhe comme un véhicule politique dans la marche nationale. Au-delà de sa personne, Vital Kamerhe a su ces dernières années produire du sens politique au point que ses résultats parlent pour lui car il est en action politique profonde depuis les années agitées de la révolution Afdl, et l’ensemble des efforts qui furent nécessaires pour refonder un Etat congolais dans la recherche de la paix. On peut tout dire de lui, il ne l’a pas volé son surnom de « pacificateur ».
Adam Mwena Meji